"Les robots chirurgiens marquent le pas"

"La plupart des appareils sont surtout utilisés dans les opérations de la prostate.
Les robots remplaceront-ils un jour les chirurgiens dans les blocs opératoires ? L'Académie de médecine a demandé au Pr Jacques Marescaux, le 'pape' strasbourgeois de la robotique chirurgicale, de faire le point sur l'avenir de ces nouveaux outils. Ceux-ci ne tremblent pas, suturent avec une précision inégalée, visent exactement leurs cibles. Mais lents et encombrants, ils ne sont que les esclaves des opérateurs et seraient incapables de décider dans une situation critique. Bientôt ils pourraient opérer seuls, sous le contrôle du spécialiste humain ! Aujourd'hui, une quarantaine de chirurgiens français, dont une majorité d'urologues, mais aussi des chirurgiens thoraciques, des gynécologues et des ORL se partagent jour après jour dans les blocs opératoires un des 20 robots Da Vinci TM, de la firme Intuitive Surgical qui détient le monopole de ces appareils."

"Tout a commencé en 1988 avec la chirurgie mini-invasive utilisant les endoscopes munis d'optiques et d'outils, puis ce qu'il est convenu d'appeler la réalité virtuelle appliquée à la chirurgie : à partir des données de l'imagerie médicale (scanners, IRM, radios), on peut aujourd'hui reconstruire par l'informatique un 'clone numérique' du malade, organe par organe, coupe par coupe. Pour un organe complexe comme le foie, ce système permet de naviguer à l'intérieur d'un lobule virtuel en respectant l'anatomie. On peut donc repérer une tumeur, la localiser, donner son volume exact. Et aussi faire un plan précis de l'opération prévue, décider de trajectoires exactes à partir des incisions."

"Une bonne machine à coudre"

"Sans se laisser étourdir par le futur radieux d'une chirurgie entièrement automatisée aux 'mains' de robots et ne laissant pas de cicatrices, des voix s'élèvent néanmoins dans le monde médical. Le Pr Daniel Loisance (CHU Henri-Mondor, Créteil) membre de ­l'Académie de médecine, s'en est pris frontalement au Pr Marescaux : 'Tu fascines les médias, les membres de l'Académie et les malades avec tes concepts. Mais les malades qui me réclament un triple pontage coronaire à thorax fermé avec le robot, je suis obligé de les dissuader. Notre responsabilité, c'est leur ­sécurité.' 'Je n'ai jamais fait la promotion de la robotique chirurgicale, se défend le Pr Marescaux. Je connais la dangerosité de la chirurgie cardiaque !'

Le chirurgien thoracique Thierry Folliguet (institut Montsouris, Paris) reconnaît que le robot (partagé avec les urologues) n'a que peu d'indications : 'Nous ne faisons plus, en chirurgie cardiaque, que les pontages coronaires d'une seule artère et la réparation de certaines lésions de la valve mitrale (entre l'oreillette et le ventricule gauche). En tout, 40 malades par an, pour un investissement compris entre 1,2 et 1,5 million d'euros et 10 pour cent de son prix pour la maintenance chaque année.' Le Pr Jean-Noël Fabiani (hôpital Georges-Pompidou, Paris) reconnaît que le robot 'est une très bonne machine à coudre', mais le robot Da Vinci TM, don de la fondation Alain-Carpentier, 'n'opère qu'un malade par mois'."

"La fronde des utilisateurs"

"D'après Olivier Tintorini, représentant en France d'Intuitive Surgical, la fronde des utilisateurs est financière : 'Nous ne faisons aucune remise commerciale, que vous opériez 10 ou 550 prostates par an. Partout dans le monde, c'est un honneur pour nos clients que de payer le prix catalogue !' Sauf que la fronde est mondiale, et ne se limite pas aux aspects mercantiles. Une enquête réalisée aux États-Unis pour le Journal of Thoracic and Cardiovascular surgery (février 2008) montre que, si 25 pour cent des blocs de chirurgie cardiaque ont le robot, le nombre d'opérations entièrement ou en partie faites avec cet outil n'atteignait en 2006 que 1 700 par an, soit 7,3 opérations par robot et par an.

Comme en France, les Da Vinci TM qui ne font pas des opérations de prostate où ils se montrent très performants ne font que quelques opérations par an.

Seuls 12 pour cent des centres américains équipés font plus de 50 interventions annuelles. Après une phase d'engouement largement alimentée par l'effet publici­taire auprès des malades, les directeurs d'établissement, qui doivent débourser 1,5 million de dollars par robot, entre 100 000 et 140 000 dollars d'entretien annuel, et 1 500 à 2 000 dollars de matériel à usage unique par opération, ne sont plus aussi enthousiastes."

Source :
http://www.lefigaro.fr
Article de Jean-Michel Bader
12/05/2008

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