Les trois ans du plan cancer (France)

Demain, Jacques Chirac prononcera un discours pour les 3 ans du plan cancer. Un dossier sur le cancer paraîtra à la une du Monde, avec un portrait du Professeur David Khayat, qui dirige l'INCa (Institut National du Cancer), ainsi qu'un reportage sur l'institut Gustave Roussy, Villejuif.

==> "Le plan cancer : une vraie chance pour l'AP-HP".

Par Jean Lacau St Guily, Vice-Président de la CME, président du Groupe Cancer :


"Le Plan Cancer a bientôt 3 ans et ses objectifs devront avoir été atteints en 2007. Il a émergé après plusieurs années de réflexions de toute la communauté cancérologique Française ; il est porté par une dynamique de réussite, parce qu’il a été élaboré, accepté et porté par l’ensemble des professionnels de santé. Parce que les réformes structurelles énoncées dans le plan cancer étaient le résultat d’une maturation de ces réflexions, parce qu’elles apparaissaient vraiment nécessaires pour améliorer la prise en charge des malades, mais aussi pour augmenter leurs chances de guérison, le Plan Cancer n’a pas été perçu comme une énième réforme vaine, mais comme une authentique possibilité d’avancer. Il venait en son temps, dans une communauté réceptive et mûre pour le faire réussir".

"Le Plan Cancer est aussi une authentique chance pour l’AP-HP. Notre Institution à laquelle on reproche si facilement et si complaisamment sa lourdeur et son archaïsme montre dans la mise en œuvre de ces mesures, application et efficacité collectives, portées par toutes les brillantes individualités qui s’occupent des patients cancéreux.

Une telle Réforme est bonne parce qu’elle n’est pas faite de l’empilement supplémentaire de technostructures coupées du réel ; elle est bonne parce que les praticiens du cancer y trouvent leur compte, parce qu’ils trouvent des réponses directes à leurs préoccupations de tous les jours, aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer ; ils y adhèrent et en deviennent les acteurs confiants quand ils considèrent qu’il y a là des solutions qui sont offertes à des problèmes qu’ils se posent. Quant à l’application de tous les points du Plan Cancers, elle sera achevée quand, non seulement les membres du Groupe Cancer de la CME, ou les membres impliqués de la Direction de la Politique Médicale, ou les nombreux médecins et soignants qui à travers la France ont participé abondamment à la constitution des réseaux, ou aux groupes de l’Inca, des ARH, de la DHOS, mais quand l’ensemble des praticiens concernés auront compris la réelle nécessité, la réelle efficacité de ces mesures dans leurs pratiques, quand toutes les infirmières et tous les autres soignants auront mesuré tous les rôles qu’ils peuvent y jouer, quand tous les directeurs et tous les autres administratifs auront compris que le cancer n’est pas seulement une affaire de médecins spécialistes mais constitue la base d’une réforme organisationnelle considérable et à fortes conséquences dans l’organisation de nos hôpitaux.

C’est pourquoi, c’est une véritable chance pour l’AP d’avoir abordé tout de suite cette importante réforme structurelle et psychologique. Prenons l’exemple emblématique des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP). Dans nos hôpitaux, il existait depuis toujours une concertation pluridisciplinaire bien sûr, des consultations communes, mais la notion de RCP systématique, pour tous les malades, avec un certain nombre de professionnels systématiquement rassemblés pour discuter à date fixe des dossiers n’était pas appliquée n’existait pas. C’est certainement l’immense mérite du Plan Cancer de l’avoir imposé ; et c’est le très grand mérite de nos hôpitaux et de nos médecins de l’avoir en moins de 2 ans généralisé. Un annuaire de ces RCP, un annuaire exhaustif a été établi, il est disponible, et derrière chacune de ces RCP annoncées, avec noms, horaires et numéros de téléphone, je crois pouvoir dire qu’il y a bien une concertation multidisciplinaire qui se fait à heure fixe ; et que tout patient traité dans nos hôpitaux pour cancer, toute famille de ces patients, peut se dire que son dossier est vu par plusieurs compétences qui aident à la décision. Enfin j’ajoute que je ne connais pas un médecin de l’AP-HP, qu’il soit jeune interne ou vieux patron, et quelle que soit sa discipline, qui n’ai trouvé dans ces RCP un réel progrès, et au jour le jour, soutien, sécurité, réflexion, aide dans son travail et qui souhaiterait revenir à l’état antérieur où la concertation n’était pas structurée, régulière, systématique.

Je ne vais pas détailler tout le Plan Cancer, ni tout ce qui a été fait. Il reste bien des choses essentielles à mener à bien. La connexion entre les différents acteurs est un sujet clef : la connexion, cela veut dire au sein de l’hôpital, au sein de l’AP-HP, entre les établissements quels qu’ils soient, avec la ville. C’est l’organisation en réseau, et ça n’est pas seulement un mot à la mode. Le but est d’échanger des informations en temps réel, de faciliter le retour du patient à la maison après avoir été traité dans nos hôpitaux, de permettre à tous les professionnels concernés par un malade d’accéder aux ressources d’informations utiles, et aux malades d’en bénéficier aussi. Les programmes et les architectures informatiques existent et elles vont probablement se mettre en place sur une grande échelle dans les mois qui viennent. Ce sera une RCP ouverte à la dimension d’internet avec la protection de la confidentialité. Et cette organisation ouverte va devoir se décliner dans tout l’espace géographique qui nous concerne, c’est à dire local, régional, national et international !

Il y aura aussi dans les mois qui viennent plusieurs chantiers impératifs : la généralisation du dispositif d’annonce dans tous les services ; la mise en action des Centres de Coordination en Cancérologie qui devront coordonner et faciliter localement l’action de nos hôpitaux et servir d’interface avec le reste des acteurs extérieurs ; la création des réseaux de soin dans Paris intra-muros ; ce sont là encore des réformes de structure rendues viables parce qu’elle apporteront une amélioration aux malades et une facilitation du travail des praticiens. Le problème à ne pas méconnaître est le manque chronique de temps des médecins, le manque de budget permettant d’engager des secrétaires ou des infirmières sans les soustraire à la prise en charge clinique ; cela constituera un ensemble de facteurs limitants, effrayants si on les observe avec un œil de praticien et non de stratège ; un réseau par exemple ne fonctionne bien que s’il est coordonné par quelqu’un, un médecin, qui y consacre une part importante de son temps de travail en étant aidé par des infirmières coordonnatrices. La juste utilisation de moyens non illimités obligera à faire des choix pour leur utilisation.

La recherche, et en particulier la recherche clinique et translationnelle en cancérologie, sont un enjeu majeur pour l’AP-HP en soi, en ce que nos équipes sont créatrices et actives et ont un énorme potentiel qui apparaît sous valorisé dans le paysage de la recherche. Nous aurions les moyens de proposer dans chaque discipline d’organe des cohortes de patients importantes et de développer mieux que maintenant des grands essais prospectifs. Ce sera un objectif majeur pour nous d’aider les disciplines cancérologiques et d’organe des nos hôpitaux à assurer une position en rapport avec leur potentiel.

Seuls les vrais progrès perdureront. Je crois profondément que cette réforme induite par le Plan Cancer est une véritable chance institutionnelle. En retard sur bien des points, comme on le lui a fait si souvent remarquer, l’AP-HP peut mener une véritable révolution industrielle , dans ce sens que, n’ayant aucun préjugé, aucune organisation ou fonctionnement uniques, aucun pré-formatage structurel dans ce domaine, sinon un dévouement et une activité irréprochables vis à vis des malades, nos hôpitaux, nos équipes, nos médecins et nos soignants trouvent là la possibilité de construire utile, réel et efficace. Il s’agit là d’une réforme améliorant la qualité, la sécurité, le sérieux et le professionnalisme de l’ensemble de la prise en charge des cancers. Pour tout dire, une véritable Réforme, médicalisée, fonctionnelle, organisationnelle, apportant un bénéfice indiscutable pour les malades très nombreux qui nous font confiance et nous permettant d’assurer au mieux notre responsabilité collective".

Source :
www.cme.aphp.fr

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