Suisse : opération da Vinci ™

Premier appareil du genre en Suisse romande.

Opération Da Vinci™


"Le robot Da Vinci™, utilisé à la clinique Générale-Beaulieu de Genève, permet des opérations où l’on se retrouve en trois dimensions, à l’intérieur du corps du patient. Reportage au bloc."

"Il est 7 h 30, mercredi matin, clinique Générale-Beaulieu, Genève. Accompagné du directeur, Philippe Cassegrain, nous venons de pénétrer dans le bloc opératoire. Alors que Georges, notre photographe, et le soussigné se sont dévêtus pour revêtir la blouse et le pantalon vert de circonstance, le Dr Jean Sauvain entre à son tour dans le local qui jouxte la salle d’opération et se choisit une tenue à sa taille, tout en lâchant quelques explications: 'Le robot Da Vinci™ permet tout aussi bien d’intervenir en chirurgie digestive, gynécologique et urologique. Ce matin, nous allons d’ailleurs procéder à une prostatectomie totale.'

Masque sur le nez, bonnet sur le chef, nous voilà en trois pas à l’intérieur de la salle d’opération proprement dite, où s’affairent déjà les assistantes et le Dr André Mélis, anesthésiste, qui nous entraîne aussitôt vers ses écrans de contrôle. Sur la table d’opération, le patient, ventre nu et artificiellement gonflé, badigeonné, sexe muni d’une sonde, vient de partir dans les bras de Morphée. Pendant les trois heures qui vont suivre, le Dr Mélis va garder l’œil sur de multiples paramètres, lui assurant que tout se passe bien. 'Si le ventre du patient est gonflé, explique-t-il, c’est qu’on a introduit à l’intérieur du gaz carbonique pour repousser les intestins vers le haut, et libérer l’espace nécessaire à l’intervention.'

A deux mètres de la table d’opération, au fond de la salle, le robot Da Vinci™ patiente. Prix: un million trois cents mille euros (n.d.l.r.: environ deux millions de francs). Cote de succès: le cours des actions de la société qui le fabrique a été multiplié par dix en dix-huit mois. Da Vinci™ est une star. Dans la demi-heure qui a précédé notre arrivée, les assistantes l’ont recouvert de plastique transparent, il est entièrement stérilisé, lui aussi 'en tenue' d’opération.

Des pionniers
Le Dr Charles-Henry Rochat nous a rejoints. Lui et le Dr Sauvain font équipe. En Suisse romande, ils étaient jusqu’à peu les seuls urologues à pratiquer ce type d’opération via la laparoscopie robotisée, technique qui a vu le jour en 1999. Depuis début 2006, les HUG (Hôpitaux universitaires genevois) disposent du même modèle, qu’on apprend gentiment à apprivoiser. Jean Sauvain: 'Comme nous formons une équipe parfaitement soudée, rodée, qui a l’habitude de travailler ensemble, l’opération ne prendra que trois heures. Trois heures pendant lesquelles Rochat et moi allons danser une sorte de ballet autour de la prostate du patient, chacun anticipant les gestes de l’autre.' Si les deux médecins ont à jouer le rôle de maîtres danseurs, c’est que le robot, lui, ne fait rien tout seul: c’est une belle danseuse, mais qui a besoin d’être conduite.

Six trous dans l’abdomen
Justement, on vient d’approcher Da Vinci™. Voilà quelques minutes, on a pratiqué six petits trous dans l’abdomen du patient (dont l’un par le nombril) par lesquels on a introduit la caméra laparoscopique et de longues tiges ou 'banderilles', dont deux sont pourvues à leur extrémité de fins ciseaux et d’une pince électrocoagulatrice pouvant sectionner selon plusieurs axes. Trois des tiges sont 'solidarisées' (rattachées) aux trois bras articulés de Da Vinci™. La quatrième tige est manipulée par le Dr Rochat, assis à proximité du patient. Deux écrans vidéo permettent à toutes les personnes présentes de suivre intégralement ce qui se passe à l’intérieur de l’abdomen, où les chirurgiens se fraient un chemin, écartent, sectionnent, s’activent.

Car, à deux mètres du patient, le Dr Sauvain est assis devant la console de Da Vinci™, les yeux collés aux lunettes qui permettent une vision en 3D. Des deux mains, il actionne les joysticks: 'L’un des avantages de la robotique, c’est qu’on devient complètement ambidextre: je suis aussi habile de la main gauche que de la main droite – ce qui n’est pas le cas lors d’une opération ouverte.' Ce matin, c’est le Dr Sauvain qui opère depuis la console. Cet après-midi, les deux chirurgiens intervertiront les rôles – à chacun ses patients ! – mais pour l’heure, son compère Rochat fait office d’assistant: à l’aide de la quatrième tige (un 'super-écarteur') qu’il bouge manuellement, le Dr Rochat prépare le terrain pour son confrère, écarte les chairs et les graisses, tâte pour éprouver la dureté des tissus et organes, avant que le Dr Sauvain ne coupe, taille, cisaille et coagule.

Sur les écrans, les chirurgiens disposent d’une image grossie plus de dix fois ! 'Ce qui n’est évidemment pas le cas lors d’une opération ouverte.' De surcroît, un système de miroirs révèle des endroits invisibles à l’œil nu. 'Da Vinci™ nous permet de gagner en précision. Le patient perd aussi très peu de sang. Résultat: son rétablissement est beaucoup plus rapide. Aux Etats-Unis, certains repartent le soir même.' Autre élément fascinant: 'La console, elle, pourrait aussi bien se trouver au pôle Nord. Un jour, cette technique permettra à tel chirurgien d’opérer à distance, depuis n’importe quel point de la planète.'

Et maintenant ? Long voyage à l’intérieur du corps du patient. C’est que test sanguin PSA, toucher rectal et biopsie ont permis de détecter la présence d’une tumeur cancéreuse. L’ablation de la prostate, y compris des ganglions adjacents, doit être totale. Une opération à ne pas confondre avec un bénin 'rabotage' de la prostate, qui se fait par le canal de l’urètre, et qui est rendu nécessaire lorsqu’une prostate devenue trop grosse gêne le travail de la vessie et empêche d’uriner correctement.

A l’aide de ses ciseaux coagulateurs, le Dr Sauvain sépare peu à peu la prostate de la vessie, puis détache de celle-ci les deux 'bandelettes' ou nerfs érectiles – des éléments qu’il faut soigneusement préserver si l’on veut garder au patient ses capacités d’entrer en érection. Une fois la prostate entièrement dégagée les chirurgiens la font tourner un instant sur elle-même, comme un corps qui flotterait en apesanteur, puis ils la déposent dans un coin de l’écran, car toute leur science va être requise pour le moment le plus délicat: afin de libérer la prostate, on a dû sectionner l’urètre, or il va maintenant falloir raccorder, 'solidariser' par une suture l’urètre directement à la vessie – faute de quoi le patient ne pourrait tout simplement plus uriner...

Prostate prise au piège
Cela fait, l’une des tiges est équipée à son extrémité d’un endobag, sorte de petit filet de pêche en plastique relié à l’extérieur par un filin. La pochette va se refermer sur la prostate! Et hop! la tige extraite, il n’y aura plus qu’à tirer sur le filin: la prostate prise au piège jaillit par le nombril, comme un poisson ramené des profondeurs. Quelques points de suture, l’opération est terminée. L’anesthésiste s’apprête à réveiller le patient, ce qui ne prendra que trois minutes.

Dans l’intervalle, le Dr Sauvain, satisfait de sa prise, et après nous avoir fait enfiler des gants, nous en fait tâter les contours. L’organe est gros comme deux châtaignes. 'Vous sentez, là, comme c’est dur? alors qu’ici, c’est plus mou.' En effet, sous la pression des doigts, on localise parfaitement la tumeur. Ensuite? La prostate va partir pour de multiples examens, qui lui vaudront d’être réduite en fines tranches. On saura tout. Quant au robot Da Vinci™? Bientôt 'déshabillé', il va incessamment regagner son coin au fond de la salle, et attendre l’après-midi.

Flambant neuf, le robot est arrivé à la Générale-Beaulieu il y a seulement trois ans. Il y termine déjà sa carrière helvétique (une clinique française le recueillera). En effet, d’ici quelques semaines, un nouveau modèle, le Da Vinci S™, doté d’un bras supplémentaire va faire une entrée remarquée, et le ravissement de toute l’équipe. Philippe Cassegrain, patron de la Générale-Beaulieu, entend maintenir sa clinique à la pointe.

Pour en savoir plus: sous le titre 'La chirurgie à l’ère de la robotique', les Drs Sauvain, Rochat et Racloz donneront une conférence publique le 27 avril, à 20 h, Auditoire Rouiller, Uni Dufour, Genève.

Et la formation ?
Le recours au robot Da Vinci™, comme à tout autre appareil dernier cri, pose une problématique assez générale en chirurgie. C’est bien joli d’avoir un robot. Encore faut-il être capable de l’utiliser! Et donc être en mesure de se former et d’acquérir de l’expérience. Or, ce genre d’appareil coûte cher et les chirurgiens, souvent, ont leurs bonnes vieilles habitudes. Pour le robot Da Vinci™, il n’en existe que deux en Suisse romande. Comment tous les jeunes et moins jeunes urologues, gynécologues, gastroentérologues pourraient-ils se former sans trop tarder, alors que dans les hôpitaux universitaires, on est fatalement conduit à enseigner les techniques les plus utilisées et donc les plus communes? Le problème n’est pas résolu."

Source :
Article de Jean-François Duval, Photos Georges Cabrera
© Migros Magazine

==> Photos du reportage (PowerPoint): cliquer ici.

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