Le 18/10/2007, le Magazine de la Santé (France 5) s'est intéressé à la technique de la chirurgie sous coelioscopie.
"Dès le 19ème siècle, on a voulu voir certains organes de l’intérieur. C’était le début de ce qu’on appelle la cœlioscopie, une technique qui est très utilisée aujourd’hui dans de nombreux domaines."
"Fosses nasales, conduits auditifs, rectum et utérus... Les médecins du XIXe siècle vont explorer ces cavités, pour étudier le corps de l'intérieur. Ils inventent de nouveaux instruments et développent une technique d'exploration qui va révolutionner la chirurgie.
Tout commence en 1806, avec un médecin italien, Philippe Bozzini, qui réalise la première endoscopie vaginale avec un spéculum de son invention. Il l'améliore en ajoutant un système de miroirs et de lentilles, plus une source lumineuse qui ne pouvait être à l'époque qu'une simple bougie de cire. Au fil du temps, on remplace le spéculum par deux tubes en argent, la source lumineuse devient électrique, et les endoscopes sont munis d'ampoules.
Au début du XXe siècle, on ne se contente plus des orifices naturels et on introduit, par de petites incisions, des endoscopes éclairants afin d'examiner en profondeur l'abdomen et le thorax.
Dans les années 1940, on commence à insuffler du gaz carbonique pour faciliter cette exploration, le mot cœlioscopie apparaît. Enfin, en 1955, un gynécologue parisien, Raoul Palmer, réalise la première tentative de cœlioscopie à visée diagnostique, en réalisant une biopsie ovarienne. Puis, les médecins se disent que ce serait tout de même intéressant d'associer à cette exploration diagnostique des gestes chirurgicaux. Ce n'est que grâce à toutes ces différentes étapes que Philippe Mouret, chirurgien lyonnais, réalise, en 1987, la première ablation de la vésicule biliaire par cœlioscopie. Dès lors, la coelio-chirurgie devient une réelle alternative à la chirurgie ouverte.
Cette ablation historique de la vésicule est devenue une indication typique de cette coelio-chirurgie. On la réalise quand il y a une inflammation de la vésicule, ou en cas de lithiase (la vésicule est chargée en calculs). Aujourd'hui, on ne se sert évidemment plus de bougie ni de loupe, mais on introduit à travers de petites incisions un tube muni d'un système optique. Les instruments de la chirurgie traditionnelle, ou invasive, ont été adaptés, c’est-à-dire allongés, afin de servir en chirurgie coelioscopique.
Les instruments de cœlioscopie sont introduits à l’intérieur de la cavité abdominale par un dispositif qui s’appelle un trocart, qui traverse la paroi abdominale et qui permet d’insérer l’instrument à l’intérieur de l’abdomen et de réaliser l’intervention. De la petite pince pour tenir une aiguille à la paire de ciseaux, avec un maniement ultra-précis, tous ces instruments doivent permettre de conserver la finesse du geste chirurgical.
Le déroulement de l’intervention : tout d’abord, on va insérer à l’intérieur de la cavité abdominale l’aiguille, qui permettra d’y faire entrer du gaz. Trois litres de gaz carbonique vont ainsi gonfler le ventre, créer un espace sous la paroi de l’abdomen. Le chirurgien pourra alors faire rentrer ses instruments sans risquer de blesser l’intestin, par exemple. Un trocart est d’abord introduit, dans lequel on fait passer la caméra, qui est l’œil du chirurgien. Le déroulement de l’opération peut dès lors être suivi sur un écran, par toutes les personnes présentes au bloc. A l’écran s’affiche la vue de l’intérieur de l’abdomen du patient à opérer. L’intérieur de la cavité abdominale est immédiatement contrôlé, ce qui permet de vérifier le bon positionnement du trocart. La caméra va surtout permettre d’installer l’ensemble du dispositif en toute sécurité. Dr. Jérôme Loriau, chirurgien digestif, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph : ‘Le principe est celui d’une cible. La cœlioscopie doit positionner les orifices autour de la cible qui est l’organe à opérer. Pour cette opération sur la vésicule biliaire qui est située en haut et à gauche de la cavité abdominale, nous allons positionner les trocarts à distance, de manière circulaire. Si l’intervention avait concerné l’appendice, qui est en bas à droite, nous aurions positionné les instruments différemment, de manière circulaire autour de l’appendice’. Après l’incision au traditionnel bistouri, le chirurgien va faire rentrer les trocarts dans le ventre, mais pas trop profondément, pour ne rien blesser, une opération sensible, renouvelée quatre fois en tout. Quatre entrées dans l’abdomen pour quatre mains, l’assistante guide la caméra, éclaire les gestes du chirurgien. Aujourd’hui, il s’agit d’enlever la vésicule (en bas à gauche). Le dispositif d’extraction est étonnant : une fois la vésicule détachée et prête à être évacuée de l’organisme, un petit tube blanc est passé dans le trocart. Il contient un petit sachet roulé, qui va être déployé à son arrivée dans l’organisme. Toujours guidé par la caméra qui reproduit l’intérieur de la cavité abdominale sur l’écran, le chirurgien place, à l’aide des instruments de coelio chirurgie, la vésicule dans le sachet. Dr. Jérôme Loriau, chirurgien digestif, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph : 'Voilà le sac qui est inséré dans la cavité abdominale du patient. Il était replié sur lui-même, pour pouvoir être rentré par un des orifices. Je l’ai ouvert, je l’ai déployé, je vais pouvoir maintenant rentrer dans ce sac la vésicule biliaire, je vais refermer ce sac, et c’est la vésicule protégée par ce sac qui va être ensuite extraite par l’orifice ombilical'. Le chirurgien tire un peu fortement pour passer à travers les solides muscles abdominaux du patient, des muscles très peu sectionnés, qui sont recousus ici en profondeur, pour tout préserver au maximum. Dr. Jérôme Loriau, chirurgien digestif, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph : 'Avec cette cœlioscopie, qui est maintenant terminée, nous avons deux orifices de 1 cm et deux de 5 mm, ce qui fait un total de 3 cm. Avec une intervention conventionnelle, une incision sous les côtes, l’incision aurait été d’environ 5 à 6 cm au minimum'. Et ces toutes petites plaies vont même se contenter d’un peu de colle cicatrisante pour se refermer. Rappelons que la chirurgie sous cœlioscopie permet à tous les gens qui sont au bloc, y compris l’anesthésiste, de voir l’intervention - ce qui avant n’était pas possible, car il aurait fallu que tout le monde, y compris l’anesthésiste, puisse se pencher sur le patient pour voir à l’intérieur. Cette retransmission en directe est très bénéfique à l’ensemble de l’équipe du bloc.
Le chirurgien peut aussi extraire d'autres organes plus gros, comme la rate ou un morceau de côlon. De la chirurgie digestive à l'urologie en passant par la gynécologie, le champ d'application de la cœlioscopie s'étend de plus en plus aux autres spécialités médicales. Mais il faut en permanence évaluer la faisabilité du geste.
Les voies d'accès restent en effet plus étroites et, au cours de l'intervention, si une complication survient, le chirurgien peut à chaque moment intervenir par voie classique, faire une ouverture plus large. C'est ce que l'on appelle le risque de conversion. Cette conversion se produit, par exemple, quand le gaz carbonique insufflé dans l'abdomen est mal toléré. C'est très rare, mais le risque existe. Comme celui d'une hémorragie beaucoup trop importante, ou d'une découverte imprévue, une tumeur plus étendue qui nécessite de passer en chirurgie ouverte.
L'intervention par cœlioscopie permet d'obtenir une plus petite cicatrice, les avantages sont nombreux, notamment pour le confort postopératoire du patient.
Si on reprend le cas du patient opéré de la vésicule (ablation de la vésicule en chirurgie sous cœlioscopie), on voit que les quatre petites cicatrices sont les seules traces visibles de l’ablation de la vésicule biliaire. Quatre heures après son passage au bloc, le patient a déjà retrouvé tous ses esprits. Surprise : après une opération digestive, il a même le droit de s’alimenter ! Une compote et un thé vont lui être apportés par l’infirmière. Pouvoir remanger rapidement, c’est un des grands bénéfices de l’opération sous cœlioscopie. Dr. Jérôme Loriau, chirurgien digestif, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph : ‘la reprise du transit après une opération digestive est un processus extrêmement complexe, qui met en jeu des phénomènes neurologiques, des phénomènes liés aux médicaments qui sont administrés, et aussi aux traumatismes opératoires. Dès qu’on peut agir sur un de ces paramètres, on gagne sur la réhabilitation et sur la reprise du transit. C’est la raison pour laquelle la cœlioscopie, qui est un minimum agressive, facilite la réhabilitation précoce’. Autre avantage de la cœlioscopie : le patient peut se redresser sans douleur et s’asseoir pour boire son thé. Martine Schneider, infirmière au Groupe Hospitalier Saint-Joseph : ‘Il y a quelques années, la cicatrice, c’était une véritable balafre. Les patients éprouvaient de la douleur, parce que les muscles avaient été ouverts, donc ils n’arrivaient pas à se redresser, etc. On les levait péniblement à J1 (un jour après l’opération) et on les laissait péniblement au fauteuil. Là, vous voyez, quatre heures après l’opération, Monsieur est au fauteuil. Il a le sourire, donc c’est que ça va bien. Oui, c’est incontestable, il y a un énorme progrès. Au niveau douleur, c’est formidable’. Le patient : ‘Je suis très content, et en même temps je suis très surpris : il n’y a que deux ou trois petits trous, à peine comme des grains de beauté !’
John Michael, un brasseur passe ses journées dans ses cuves à travailler le houblon. Sa malformation du colon exigeait une opération très lourde, c’était il y a six mois. Grâce à la cœlioscopie, il a pu reprendre ce travail de force bien plus vite que prévu. Le patient : ‘Ca change tout pour moi, parce que j’effectue un travail qui est très physique. Si ma cicatrice avait fait quatre fois la taille de ma cicatrice actuelle, ça n’aurait jamais été possible de reprendre le travail aussi vite’. C’est sûr, sans la cœlioscopie, son chirurgien n’aurait jamais autorisé John Michael à remplir et à porter ces sacs de 50 kg de malt, seulement un mois après le bloc.
Pour les pathologies digestives, on espère même que dans les dix ans à venir, plus de 70 % des interventions se feront sous cœlioscopie. La technique est en permanence évaluée pour estimer s'il y a un réel bénéfice par rapport à une intervention classique. Dans le domaine de la cancérologie, les avancées sont importantes aussi : jusqu’à il y a quelques années, on se disait qu’il ne fallait pas opérer les cancers avec la technique de la cœlioscopie, car cela risquait de créer des métastases, c’est-à-dire des petites tumeurs qui partaient un peu partout dans l’organisme. L’Académie de médecine vient d’y consacrer une séance de travail et vient de confirmer que de plus en plus on utilisait la coeliochirurgie pour les cancers : cancer des ovaires, de l’utérus, de la prostate, et également des cancers digestifs.
Que deviennent les trois litres de gaz injectés pour dilater l’intérieur de la paroi abdominale, afin d’opérer sous cœlioscopie ? Quand les instruments sont retirés, une partie va s’évacuer. Le reste va être absorbé par l’organisme. Il faut à peu près une semaine pour qu’il n’y ait plus de gaz dans le ventre."
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